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Marie Renoir-Couteau (Bureau de la Radio) : « Radio France doit être complémentaire aux radios privées, pas en concurrence »

Marie Renoir-Couteau (Bureau de la Radio) : « Radio France doit être complémentaire aux radios privées, pas en concurrence »
Marie Renoir-Couteau – Crédits : Capa Pictures - Lagardère News

Interview. Reconstitué en 2019, le Bureau de la Radio (BDR) fédère les groupes de radios privées nationales (NRJ, Lagardère, Altice, M6-RTL et TF1 Pub sur la partie publicité). Alors que la radio subit une profonde mutation, il défend les intérêts du média face à une régulation parfois un peu datée, le financement de Radio France qui fait débat, les sujets autour de l’empreinte carbone, avec la présentation d’une calculette aujourd’hui, et produit des études sur l’efficacité du média.
Marie Renoir-Couteau est présidente de la commission publicité du BDR. Elle est également présidente de Lagardère Publicité News.

100%Media : Le Bureau de la Radio qui réunit les radios privées a été réactivé fin 2019. Quel bilan tirez-vous de vos actions collectives ?

Marie Renoir-Couteau : Nous sommes très heureux d’être réunis au sein de cette association pour pouvoir justement affronter les défis qui s’offrent à nous. Après plusieurs années d’existence, notre collectif est très solidaire et se réunit de manière mensuelle. Nous avons un bon rythme de croisière avec de très belles avancées. Je rappelle que l’idée était de redonner de la visibilité au média et de relancer des études structurantes, notamment liées à son efficacité. À cette date, nous avons publié deux belles études. L’idée est, désormais, d’amplifier cette dynamique.

L’idée était de redonner de la visibilité au média et de relancer des études structurantes.

Marie Renoir-Couteau

100%Media : Le périmètre du Bureau de la Radio a encore des trous dans la raquette : TF1 Pub a intégré la commission publicité ; Skyrock n’est pas adhérent et les radios indépendantes ont leur propre syndicat (SIRTI). A quand une grande association interprofessionnelle à l’image du SNPTV ?

M. R-C. : C’est évidemment souhaitable. C’est vrai qu’aujourd’hui, nous procédons par étapes, avec déjà l’union des grandes régies nationales radio et cela ne nous empêche pas d’avoir une vision très collective de nos actions puisque sur de multiples sujets les radios, dans leur intégralité, ont pu se fédérer et agir ensemble.
Je pense notamment au lancement de Radioplayer où nous retrouvons évidemment les radios membres du BDR, des radios privées et également Radio France. Je pense également à nos actions pour la promotion du DAB+ réunissant les radios privées ainsi que Radio France ou encore au lancement de la calculette carbone commune à toutes les régies radio, privées comme publiques.
Cette vue d’ensemble, dès lors qu’on estime qu’elle est très structurante pour le média, le Bureau de la Radio est en capacité de l’adresser et de l’orchestrer.

100%Media : Vous avez co-signé, avec le SIRTI et d’autres radios privées, une lettre au ministère de la Culture (document à lire ici en intégralité) au sujet d’un éventuel projet de relèvement du plafond de recettes publicitaires de Radio France (limitées à 42 millions d’euros par an) et d’un rapport qui minimiserait l’impact sur les radios privées. Qu’attendez-vous de cette intervention ?

M. R-C. : Il est de notre devoir de se mobiliser dès lors que nos modèles sont soumis à des contraintes dans un écosystème où on observe des différences selon les acteurs.
Le rôle du BDR est clé car il fédère la profession pour plaider à un meilleur encadrement des pratiques de Radio France de façon à ce que les évolutions du marché (qui sont tout à fait nécessaires à l’adaptation des nouvelles pratiques) soient faites en concertation.
Aujourd’hui, nous pouvons factuellement observer que les budgets de fonctionnement de Radio France ont beaucoup augmenté (+21% entre 2004 et 2021). En parallèle, les recettes de Radio France ont progressé de 24% quand celles des radios commerciales ont reculé de 24%. Par ailleurs, Radio France est soumise à des règles beaucoup moins contraignantes que les radios privées. Elle bénéficie notamment d’un droit de préemption dans l’accès aux fréquences, sans limite de couverture de la population, contrairement à nos radios. Elle peut aussi modifier le format de ses stations sans avis de l’Arcom et sans étude de l’impact sur le marché. Enfin, depuis le décret du 5 avril 2016 et l’accès à la publicité, la part de la radio publique sur le marché publicitaire n’a cessé de croître au détriment des radios privées.
Pour ces raisons, l’ensemble des radios privées est en droit de demander au régulateur de la concertation et du dialogue afin que les équilibres puissent être préservés. Le sujet est là, sommes-nous attachés à la pluralité de notre paysage audiovisuel ? Si la réponse est oui, dans un marché ultra concurrentiel, il est légitime et dans notre rôle, de défendre notre principale source de financement. Radio France doit être complémentaire aux radios privées, pas en concurrence.

100%Media : Les recettes publicitaires digitales de Radio France ne sont pas plafonnées. Demandez-vous qu’elles le soient ?

M. R-C. : Nous demandons seulement de la transparence. Le marché de l’audio digital est un marché en forte croissance et très porteur. Les capacités de production de Radio France sont sans commune mesure avec les nôtres et tant mieux pour le grand public, mais c’est très curieux que l’on oublie une partie du marché publicitaire.
Il est là encore légitime que le BDR et ses membres réclament que ce chiffre d’affaires entre dans les limites prévues dans le COM de Radio France.

100%Media : Doit-on supprimer la publicité sur Radio France ?

M. R-C. : Ce que nous demandons c’est un meilleur encadrement, de la concertation et de la transparence, notamment par rapport aux revenus du numérique.

Nous sommes très heureux que Médiamétrie s’exprime sur la radio et défende notre outil de mesure.

Marie Renoir-Couteau

100%Media : Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie, défendait récemment dans Le Figaro, la fiabilité et la robustesse de la mesure d’audience de la radio française. Etes-vous d’accord ?

M. R-C. : Nous sommes très heureux que Médiamétrie, notamment incarnée par Yannick Carriou, s’exprime sur la radio et défende notre outil de mesure. Nous sommes très alignés avec les propos qu’il a pu tenir. On le rejoint sur la robustesse de la mesure. D’ailleurs, tous les benchmarks à l’étranger montrent que la mesure actuelle est très qualitative. Et on n’oublie pas de préciser que notre mesure est contrôlée et certifiée par le CESP.
Les acteurs n’ont jamais cessé de travailler sur les évolutions des dispositifs de mesure d’audience avec Médiamétrie. On entend cette envie de moderniser la mesure, qui a déjà beaucoup évolué grâce aux travaux enclenchés autour de l’AIP et dont on commence aujourd’hui à voir les premiers résultats via le panel EAR Insights, aboutissement d’un travail colossal.
Le vrai enjeu aujourd’hui, compte tenu de l’évolution des usages en faveur de l’audio digital (puisque 22% des auditeurs écoutent la radio sur un support numérique), c’est d’être plus précis sur l’incrémental d’audience qu’apporte l’audio digital.

100%Media : Une mesure hybride audio et TV est-elle souhaitable ?

M. R-C. : Il y a une demande du marché publicitaire, notamment via les agences et les annonceurs, de pouvoir évaluer plus facilement la performance de leur plan média. Cette envie est évidemment tout à fait légitime, mais encore prématurée.
J’ai le sentiment que média par média, il y a déjà pas mal de chantiers pour épouser chacun des usages qui se transforme. C’est vrai pour la radio et pour la presse, mais c’est vrai aussi pour la télé. Sans parler là aussi des KPI d’efficacité que peuvent donner les GAFAM avec des terminologies qui ne sont pas harmonisées avec des notions très hétérogènes en fonction des différentes plateformes. Il y a donc plusieurs sujets : le référentiel, le langage commun et le délinéarisé avec des médias qui doivent travailler la dispersion de leur audience à l’heure où les audiences sont volatiles et fragmentées.

100%Media : Vous avez présenté deux études sur l’efficacité du média radio. Aviez-vous des doutes ?

M. R-C. : Non, parce que si des grands secteurs comme la distribution ou l’automobile continuent à faire énormément confiance à la radio, c’est qu’on imagine qu’ils sont satisfaits des résultats de ce média.
Dans un marché très concurrentiel, ces études participent à une démarche assez saine où ce que l’on tient pour acquis doit être rechallengé. Je pense que c’était aussi une demande du marché qui a besoin d’éléments objectifs pour continuer à valoriser la radio dans un monde où la consommation des médias a beaucoup évolué.
Pour cela nous avons lancé avec Ekimetrics une étude sur le ROI de la radio, dont les résultats ont montré que le média tient vraiment une place de choix puisque sur les 4 secteurs étudiés (Distribution, Produits de grande consommation, Automobile et Télécommunications), 1 euro investi en radio génère en moyenne 7,7 euros de chiffre d’affaires.
La deuxième étude sur l’efficacité drive-to-web a été menée avec TVTY avec là aussi des résultats très satisfaisants, selon lesquels communiquer en radio permet de générer en moyenne +43% de trafic web pour la marque.

En 2022, nous avions près de 3000 annonceurs actifs. C’est un chiffre qui est en augmentation de +8%.

Marie Renoir-Couteau

100%Media : La radio affiche une progression de ses recettes de +1,9% en 2022, selon le BUMP. Comment analysez-vous ces chiffres ?

M. R-C. : Le marché de la radio est très résilient. Je relève qu’en 2022, nous avions près de 3000 annonceurs actifs. C’est un chiffre qui est en augmentation de +8%. Nous enregistrons beaucoup de nouveaux annonceurs chaque année. Cela montre bien la vivacité publicitaire de la radio.
Il y a encore des champs entiers qui sont sous exploités, notamment autour du branding qui laissent des perspectives intéressantes d’un point de vue publicitaire pour le média.

100%Media : Certaines régies, comme NRJ, communiquent sur la maîtrise du temps publicitaire. Est-ce une vision collective ?

M. R-C. : Je pense qu’il y a une intention commune de préserver nos environnements pour qu’ils restent très qualitatifs et cela passe par une bonne maîtrise du temps publicitaire. Après, c’est vraiment la politique de chaque éditeur. Nous avons un cadre qui est donné par le législateur qui fixe un temps maximum de publicité à ne pas dépasser et chaque entreprise est libre de l’adapter en fonction de son public, de son positionnement et de son équilibre économique (et tout cela peut être amené à évoluer).
Le Bureau de la Radio n’a pas vocation à encadrer cela. Ce qui est commun à tous les membres du Bureau de la Radio, c’est de préserver le confort d’écoute de nos publics et la qualité de nos programmes.

100%Media : Vous lancez une calculette carbone. En quoi est-ce nécessaire ?

M. R-C. : Je pense que c’est de la responsabilité de toutes les entreprises de se poser des questions autour de son modèle, de sa transformation et de sa compatibilité par rapport au défi de la maîtrise de l’empreinte carbone.
On parlait des missions du Bureau de la Radio : valoriser et mettre en avant la spécificité du média en fournissant un référentiel commun au marché de l’audio en est une.
Pour la mise en place de cette calculette, le Bureau de la Radio a réussi à rassembler l’ensemble des régies nationales du privé et du public (Altice Média Ads & Connect, Lagardère Publicité News, M6 publicité, NRJ Global, TF1 Pub, Ketil Média, Nova Régie, Skyrock Public et Radio France Publicité) afin d’aboutir à une mesure de l’empreinte de la diffusion de messages publicitaires en radio et en audio.
Nous avons travaillé avec la société DK pour réaliser cet outil de mesure commun à tous les membres qui permet de répertorier les différents leviers ayant un impact sur l’empreinte carbone et d’établir un langage commun à toutes les radios de manière à ce qu’elles puissent monitorer et guider le marché.
C’est un beau projet qui a été réalisé en un temps record, grâce au travail collectif de l’ensemble des acteurs radio et qui montre l’unité du média dès lors qu’il s’agit de s’engager pour la transition écologique.

Propos recueillis par François Quairel

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